L’affaire des Ivoiriens victimes de traite humaine au Nigeria met en lumière l’ampleur des stratagèmes criminels exploitant la migration irrégulière. Ces jeunes, attirés par des promesses d’emplois bien rémunérés, se retrouvent pris au piège dans un système d’exploitation où la manipulation psychologique et les abus sont monnaie courante. Si neuf d’entre eux ont pu être secourus grâce à une intervention diplomatique, une trentaine, dont une dizaine de jeunes femmes, restent encore bloqués.
Abus et exploitation : le calvaire des Ivoiriens victimes de traite humaine au Nigeria
Le scénario est bien rodé. Mamadou Bora, l’une des victimes, témoigne : « C’est un ami qui m’a contacté pour me proposer une opportunité de travail à Abuja. Comme je le connais bien, je lui ai fait confiance. » La promesse d’un salaire de 350 000 francs CFA (550 euros), bien supérieur aux revenus moyens en Côte d’Ivoire, finit de le convaincre.
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Cependant, dès leur arrivée au Nigeria, les recrues déchantent rapidement. On leur demande un paiement de 500 000 francs CFA (850 euros) pour des formalités administratives fictives et des frais de logement. Une fois l’argent versé, ils sont dépossédés de leurs passeports et de leurs téléphones, les rendant totalement dépendants de leurs geôliers.
Un système pyramidal inspiré du modèle de Qnet
Ce réseau opère selon un système de vente pyramidale, où les victimes deviennent elles-mêmes des recruteurs forcés. Le mode opératoire repose sur la manipulation psychologique : « Ils nous faisaient croire qu’on s’enrichirait en convainquant nos proches de nous rejoindre », explique Ibrahim Coulibaly, un autre rescapé.
Les captifs sont contraints de convaincre des amis et des membres de leur famille d’envoyer de l’argent sous prétexte de financer leur départ vers des destinations comme le Canada ou l’Europe. Pour appuyer leur discours, les recruteurs disposent de faux documents et de vidéos truquées, rendant la supercherie crédible.
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Les victimes Ivoiriens victimes de traite humaine au Nigeria sont entassées dans une maison exiguë sous une surveillance stricte. La nourriture est rare : une seule ration quotidienne de gari (semoule de manioc). Les tentatives de fuite sont réprimées par des menaces et des violences psychologiques. Ibrahim Coulibaly décrit une réalité insoutenable :
Pendant un mois, tu peux ne pas aller à la selle. Tout ce qu’ils nous disent, on est obligés d’accepter.
Ibrahim Coulibaly
Une évasion périlleuse et une intervention diplomatique décisive
Après deux mois de calvaire, certains décident de tenter le tout pour le tout. Mamadou Bora réussit à s’échapper en escaladant la clôture, errant pendant 24 heures dans les rues d’Abuja avant d’être secouru par la police nigériane. Il est conduit à l’ambassade de Côte d’Ivoire, qui organise une intervention pour libérer d’autres captifs.
Gaoussou Karamoko, directeur général des Ivoiriens de l’Extérieur, déclare : « Cela faisait plusieurs fois que l’ambassade nous alertait sur ce type de trafic. Nous avons pu exfiltrer neuf compatriotes, mais une trentaine reste encore sur place. »
Pourquoi certains refusent de rentrer ?
Malgré les conditions atroces, plusieurs Ivoiriens victimes de traite humaine au Nigeria choisissent de rester. « Beaucoup ont honte. Ils ont demandé à leurs familles des sommes importantes et redoutent de revenir sans rien », analyse Mamadou Bora. De plus, certains restent sous l’influence des recruteurs et espèrent encore obtenir des gains financiers.
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Ce trafic ne touche pas seulement les Ivoiriens. Des Burkinabè et des Maliens ont également été victimes du même réseau. Les autorités ivoiriennes espèrent une collaboration renforcée avec leurs homologues nigérians pour démanteler ces organisations criminelles.
Gaoussou Karamoko conclut : « Tant qu’il y aura de la migration, il y aura des réseaux de trafic de personnes. Ce n’est pas une exception, mais nous devons renforcer la sensibilisation pour protéger nos compatriotes. »
Face à la mésaventure des Ivoiriens victimes de traite humaine au Nigeria, les autorités ivoiriennes insistent sur la vigilance et la nécessité d’une information fiable pour prévenir ces drames. Une sensibilisation accrue et des dispositifs de protection plus efficaces sont indispensables pour éviter que d’autres ne tombent dans le même piège.
Alfred Zeus